« Nous voulons rendre hommage à toute personne qui est descendue dans la rue à travers l'histoire. Leur montrer que nous sommes encore là, conscient-e-s-* qu'il reste du chemin à parcourir. » (Geneva Pride 2019 – Marché des Fiertés de Genève 2019)

Écrivons l’histoire nous menant à l’égalité

« L’invisibilité est notre responsabilité » (Queer Nation Manifesto, New York, 1990) La Geneva Pride 2019 – La Marche des fiertés de Genève 2019 se veut un événement socioculturel et une manifestation politique d’utilité publique. Destinée à donner une visibilité aux personnes homosexuelles, bi, trans*, intersexes, queer et non-binaires, ainsi qu’à toute autre personne subissant des discriminations en raison de son orientation sexuelle, son identité ou expression de genre (LGBTIQ+). La Marche des fiertés de Genève 2019 se pense comme une marche vers l’égalité et la reconnaissance de la diversité, avec le soutien indispensable de nos allié-e-s-*.

Cette Pride romande a sa devise : « Make History ». Il s’agit de continuer à écrire l’histoire, en hommage aux émeutes de Stonewall d’il y a 50 ans. Car nous sommes encore là, en marche, et conscient-e-s-* du chemin qu’il reste à parcourir pour obtenir l’égalité en fait et en droit ainsi que le lent changement des mentalités. Nous estimons que l'égalité et la valorisation des diversités sont des conditions indispensables au développement d'une société respectueuse et inclusive. Nous allons défiler dans les rues de Genève pour inciter les habitant-e-s-* d’ici et d’ailleurs, ainsi que les collectivités publiques et le secteur privé, à ne plus discriminer les personnes en raison de leur orientation sexuelle, identité de genre, expression de genre, caractéristiques sexuelles mais aussi en raison de leur sexe, nationalité, origine, couleur de peau, âge, langue, situation sociale, statut juridique, mode de vie, convictions religieuses, philosophiques ou politiques, état de santé, statut sérologique, singularité, capacité physique, intellectuelle, psychique ou sensorielle, apparence physique et expériences historiques, culturelles et géographiques.

Nous sommes convaincu-e-s-* que seule une prise en considération de ces facteurs dans leur complexité et leurs interactions permet de couvrir la multitude de nos réalités ainsi que celles d’autres personnes discriminées pour ce qu’elles sont, pensent ou défendent.

Nous élevons nos voix, faisons entendre nos pas et agitons nos pancartes pour toutes les personnes d’ici ou d’ailleurs qui ne peuvent pas encore être elles-mêmes, être visibles et aimer librement. Nous défilons en solidarité avec toutes les personnes qui, pour des raisons personnelles, sociales ou politiques, ne peuvent s’affirmer, sortir du placard, revendiquer à voix-haute leurs désirs et besoins, et occuper l’espace public, aujourd’hui, à nos côtés. Cette Pride est aussi leur Pride.

Ce manifeste porte des revendications qui nous apparaissaient prioritaires pour les personnes LGBTIQ+ dans le cadre du débat social, politique et juridique genevois, romand et suisse. Nous ne prétendons cependant pas représenter toutes les personnes LGBTIQ+, leurs expressions de soi, leurs besoins spécifiques, leurs revendications ou leurs manières de militer. Nous encourageons néanmoins la solidarité à l’intérieur de la communauté LGBTIQ+ et souhaitons célébrer, avec fierté, ce qui nous unit et nous sépare et qui fait la richesse de notre communauté.
Le vendredi 6 juillet 2019, nous allons marcher dans les rues de Genève, ville internationale des droits humains.

Nous marchons, notamment…

Parce que nos corps et nos vies ne peuvent être classifiés de manière binaire Nous demandons une interdiction en Suisse de toute intervention chirurgicale d’assignation sexuelle sur les personnes intersexes, notamment sur les nouveau-né-e-x-s. Ces pratiques sont à considérer comme des mutilations génitales. Ces types d’interventions ont été déclarées par des organes internationaux comme des traitements cruels, inhumains ou dégradants, voire de la torture. Nous demandons également de ne plus imposer aux parents d’enfants intersexes de devoir rapidement se prononcer sur le sexe inscrit à l’état civil de leurs enfants.
De manière plus générale, nous refusons la classification binaire des corps par la société, la médicine et le droit. Cette binarité imposée ne rend pas compte de la variété de nos corps, de nos ressentis et de nos expressions de soi. Dans ce sens, nous demandons que les catégories de classification selon le « sexe » soient diversifiées ou supprimées, et qu’une réflexion soit menée pour sortir de cette binarité.
Nous refusons également les demandes répétées des autorités et du secteur privé sur nos genres, sexes et orientations sexuelles au travers de formulaires et diverses cases à cocher. Évoluant dans une société qui ne nous accorde pas la même considération et les mêmes droits, en attendant l’égalité, nous revendiquons le droit de nous afficher ou de nous cacher.

Parce que les existences des personnes trans* et non-binaires sont encore rendues difficiles

Les personnes trans* et non-binaires subissent en Suisse des discriminations multiples sur une base quotidienne allant du fait d’être mégenré-e--s par les autorités, les institutions et les particuliers à l’obligation de passer par des processus juridiques et médicaux douloureux pour les personnes ayant décidé ou se sentant obligé-e--s de réaliser une transition. Nous revendiquons des parcours de transition basés sur l’autodétermination. Nous dénonçons les exigences contraires au droit encore imposées par certaines personnes du corps médical et juridique ainsi que par certaines assurances-maladies lors des transitions.

Nous demandons également la dépathologisation des transidentités et la mise en place de politiques publiques d’accompagnement des personnes trans* et non-binaires dans leur existence, que ce soit dans le système de santé, dans les écoles, dans le milieu du travail et dans l’espace public. Les droits des personnes LGBTIQ+ ne se réaliseront pas sans une avancée des droits des personnes trans* et non-binaires.

Parce que les insultes et les coups pleuvent encore et que le droit se tait

Les insultes et les comportements stigmatisant et discriminant sur la base de l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre sont encore présents en Suisse sans que le droit y apporte de solutions satisfaisantes. Nous exigeons que les motifs LGBTIQ+phobies soient reconnus en droit et que le discours de haine LGBTIQ+phobe soit criminalisé. Cette interdiction doit inclure les discours discriminant sur la base de l’identité de genre en complétant l’article 261bis du Code pénal. Les discriminations sur la base de l’identité de genre et orientations sexuelle doivent aussi être reconnues dans les Constitution cantonales.

Nous demandons la création d’un observatoire sur les LGBTIQphobies au même titre que l’observatoire contre le racisme afin que les discriminations que nous subissons soient reconnues, documentées et analysées.

Parce que, même en 2019, en Suisse, être jeune LGBTIQ+ ne va pas de soi

Encore trop d’enquêtes et d’études montrent une réalité dramatique qui touche les jeunes LGBTIQ+. Plus de la moitié de ces jeunes ayant moins 25 ans disent avoir subi-e-s, en contexte scolaire, par exemple, des formes de harcèlement (verbale ou physique) et des formes de violence en raison de leur orientation sexuelle et affective, avérée ou supposée. Le risque de tentatives de suicide est 2 à 5 fois plus élevé chez les jeunes LGBTIQ+ que pour leurs camarades.

Nous demandons que ces enjeux soient pris aux sérieux dans la société, au sein des établissements scolaires ainsi que dans les espaces fréquentés par les adolescent-e--s. Nous exigeons également que les professionnel-e--s travaillant avec les jeunes LGBTIQ+ soient mis-e--s au courant de ces thématiques, soient formé-e--s et sensibilisé-e-*-s à ces situations et qui soient capables de repérer les discriminations et devenir, s’il le faut, un soutien pour ces jeunes.

Nous croyons qu’à travers l’éducation, dans les années à venir, il sera plus facile d’être jeune LGBTIQ+ en Suisse. Pour cela, nous revendiquons la création d’espace de parole et d’écoute, de lieux de fêtes et un renforcement des structures existantes de soutien des jeunes LGBTIQ+ pour leur importance stratégique et leur participation fondamentale au bien-être des jeunes et aux changements des mentalités.

Parce que les frontières ne connaissent pas de distinction en raison du sexe, de l’identité et de l’expression de genre et de l’orientation sexuelle

Nous demandons que la Suisse se dote d’un cadre législatif et politique favorisant l’accueil des personnes réfugiées qui ont subi des persécutions en raison de leur sexe, identité et expression de genre et orientation sexuelle. Ces personnes sont venues chercher un accueil en Suisse, pas des difficultés, stigmatisations et discriminations supplémentaires en raison de leur origine, nationalité, couleur de peau, religion ainsi que de leur orientation sexuelle, identité et expression de genre. Les conditions d’accueil réservées aux personnes réfugiées LGBTIQ+ sont encore inadaptées, en particulier les conditions d’hébergement dans des logements collectifs et le traitement des dossiers par les autorités. Nous demandons également un renforcement de capacités et de prise en charge dans les centres d’accueils pour personnes migrantes : les professionnel-le-s responsables de leur accueil et du traitement de leur demande d’asile doivent être formé-e-*-s afin de bien percevoir la spécificité de leurs besoins et de leur vécu et être en mesure de bien faire valoir leur droit à la protection.

Parce que nos lits et nos pratiques sexuelles sont politiques

« Le privé est politique » scandaient les militantes féministes dans les années 70. Nous demandons que nos pratiques sexuelles et affectives soient libérées de préjugés et de stigmatisations et bénéficient d’un accompagnement adéquat par le corps médical et par les professionnel-le-s de la santé.

Nous demandons un accès pour le traitement PrEp prise en charge par l’assurance de base, une meilleure protection des données des patient-e-s qui décident de suivre ce traitement préventif et l’accès au don de sang pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Nous demandons également que les gynécologues soient formé-e-s aux spécificités concernant les femmes lesbiennes, trans* et les personnes non-binaires. Nous demandons aussi une prise en charge plus complète, responsable et à l’écoute des besoins des personnes LGBTIQ+ seniors, dans des structures dédiées ainsi que par des aides soignant-e-s à domicile.

Nous demandons la reconnaissance et la protection publique des travailleuses et travailleurs du sexe (TdS), et en leur offrant des conseils juridiques, administratifs et sanitaires.

Parce que les unions et les parentalités doivent être repensées

Un certain nombre de discriminations envers les personnes LGBTIQ+ en Suisse découlent de l’absence du « mariage pour toutes et tous ». En Suisse, seules les personnes mariées (et donc en couple de sexe différent) ont par exemple accès à l’adoption conjointe ou la naturalisation facilitée. Nous demandons l’adoption rapide d’un mariage égalitaire, pour toutes et tous, incluant une égalité complète des droits et notamment l’accès à des rentes de veuves et à la PMA pour les femmes lesbiennes.

Nous demandons aussi que des réflexions soient menées pour envisager des formes de parentalités et d’unions sortant d’un schéma hétéro(cis)normatif monogame ne correspondant pas à la réalité. Des débats doivent aussi être lancés sur la question de l’accès à la GPA.

Nous revendiquons la reconnaissance d’une double filiation dès la naissance pour deux parents légaux de même sexe comme c’est le cas pour les couples hétéroparentaux : soit de manière automatique quand le couple est lié par une union légale, ou par une procédure de reconnaissance de l’enfant lorsque le couple vit en concubinage.

Parce que nos désirs font encore désordre

Nous revendiquons une égalité des droits, une place dans la société mais également un droit à la différence et à la marginalité. Les personnes LGBTIQ+ ont historiquement été au cœur de remises en question sociétales importantes, poussant les autorités et les individus à questionner leur conception des corps, des identités, des familles, des pratiques sexuelles et affectives. Nous revendiquons cet héritage et défilons pour rappeler que nos désirs font encore désordre !

L’association Geneva Pride 2019 – La Marche des fiertés de Genève 2019