Bonsoir à toutes et à tous,

Avant toute chose, un immense merci à vous d’être venu.e.s ce soir. J’avais envie de prendre la parole pour vous dire quelques mots, peut-être expliquer un peu ce que je vous propose ici, dans ce lieu qui ne pourrait être plus adapté à la thématique que j’ai abordé dans ce projet.

Je vais vous dire une fois de plus qu’il s’agit du projet le plus important que je n’ai jamais réalisé. Je dis “une fois de plus” parce que je dis ça à chaque exposition. Mais c’est sincère à chaque fois.

J’ai choisi d’appeler ce projet PREY, pour deux raisons. La première est parce que PREY signifie “proie” en anglais : Être la victime de quelqu’un ou de quelque chose. À l’oral, ce mot veut aussi dire “prier”, ce qui permet un lien avec la religion, qui, comme vous pourrez le lire dans les textes, est une source, pour ne pas dire LA source, principale des discriminations de genre.

Les poses des modèles rappellent les codes des peintures de l’élite, des divinités au temps de la renaissance. Des postures fières malgré leurs auréoles imparfaites dues à leur lutte quotidienne en société, notre lutte quotidienne.

Ces modèles qui sont mes divinités des temps modernes font partie de la communauté LGBTIQ valaisanne. Ne cherchez pas à deviner leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Voilà l’un des grands objectifs de l’exposition. Dans une société où comprendre, étiqueter, analyser est un sport généralisé, il me parait nécessaire de rappeler, d’hurler même par le biais de ces dessins, que le genre d’une personne n’est pas sujet à l’interprétation d’autrui. Il peut être changeant, évolutif, fluide, parfois discret, parfois moins, mais il est dans tous les cas, personnel. Ces étiquettes qui nous rassurent n’ont aucune raison d’être lorsque l’on aborde les notions de genre.

D’ailleurs, ceux qui ont suivi le déroulement du projet sur les réseaux sociaux auront pu lire des extraits de textes qui accompagnent les dessins. Ces textes ne sont pas forcément en lien avec l’identité ou l’expression de genre de la personne dessinée à côté. Voilà aussi une manière de renforcer le fait qu’on n’a pas besoin de pouvoir deviner QUI se définit COMMENT.

C’est aujourd’hui la Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. J’avais envie de vous faire part d’une des étapes de ce projet, d’un témoignage personnel qui a fini par influencer de manière conséquente ce que je vous présente aujourd’hui.

J’ai évidemment dû me documenter, lire et effectuer des recherches pour vous proposer cette exposition. Je suis régulièrement tombée sur un terme qui semblait permettre un concept qui sort de la binarité homme/femme. Il s’agit du terme « 3ème genre ». Satisfaite de ma trouvaille, j’ai présenté cette série comme étant un travail sur le sujet de ce « 3ème genre » qui paraissait répondre à mes besoins en termes de vocabulaire. Sauf que.

J’ai reçu quelques temps plus tard un e-mail d’une personne qui se disait dérangée par ce terme de « 3ème genre » ; elle n’avait pas fait tout ce chemin, toute cette lutte, pour s’éloigner des deux genres imposés pour qu’on la case maintenant dans un saugrenu « 3ème genre », avec tous les autres qui se définissent « autrement ».

J’ai été touchée par cette réaction, comme prise en faute, j’ai paniqué ! J’ai écrit à quelques contacts touchés par le sujet pour conforter mes bonnes intentions et m’assurer que je n’avais rien fait de mal ! J’ai eu différentes réponses, de différentes sensibilités. Forcément. Mais j’ai décidé malgré tout de retirer ce terme « 3ème genre » de mon travail parce que je savais dorénavant que certain.e.s étaient touché.e.s négativement par cette terminologie.

Et c’est exactement à ça que je souhaite en venir. N’oublions pas que dans notre société parfois très bien intentionnée et parfois moins, on parle le plus souvent en cherchant des mots adaptés pour définir ce que l’on connaît mal, parfois pour ne pas heurter, parfois pour se distancier. Mais on oublie trop souvent qu’on parle d’abord d’histoires de vie, de gens, de sentiments et d’expériences concrètes.

S’adapter, s’excuser, apprendre, écouter. J’avais déjà l’impression d’être quelqu’un de plutôt empathique et sensible à toute manière d’exister, mais je me suis rendu compte au travers de ce long processus de travail qu’a été ce projet, que ces qualités, on peut les creuser encore et encore, les étayer et les fournir sans limites, toute sa vie.

Voilà, entre autres, pourquoi je vous disais en ouverture que ce projet était le plus important que je n’avais jamais réalisé. J’ai eu le sentiment de participer à un changement, à une amélioration de la petite communauté qui me suit, mais aussi de moi-même. Les paradigmes changent, la liberté d’exister tels que nous sommes se fortifie.

Je voulais encore vous dire un petit mot sur le choix du fond sonore qui habille l’exposition. Il navigue du calme à la tension par le biais de musique classique interrompue par des interjections homophobes ou transphobes. Le but n’est pas de répandre ces paroles haineuses mais bien plutôt de vous y confronter. Je me permets du coup un petit appel : si vous entendez ce genre de propos dans l’espace public, dans la mesure du possible, intervenez. Soyons les alliés de toutes les minorités, protégeons nos semblables.

Et enfin, j’aimerais faire un clin d’oeil très appuyé au groupe jeune d’Alpagai avec qui je collabore ce soir. Ils défient les conventions de genre, rejettent la binarité, exigent une société égalitaire. J’ai découvert une jeunesse engagée, politique, féministe et révoltée. Ils ont été une source d’inspiration pour ce projet. Et, comme eux, j’en appelle à accepter publiquement, bruyamment et politiquement toute la diversité qui constitue la population. Qui NOUS constitue.

Je terminerai en remerciant les personnes d’Alpagai qui m’ont accueillie immédiatement et à bras ouverts, à l’équipe du Bar pour l’apéro que nous avons toutes et tous accueilli immédiatement et à bras ouverts, au groupe jeune pour leur action et leur inspiration et évidemment aux modèles qui m’ont accordé leur confiance et sans qui rien de tout cela ne serait possible.

Merci à toutes et à tous et belle soirée. MURZO